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16 avril 2025

Davide Buscemi - dbuscemi@medialo.ca

Alain Poirier s’exaspère : « C'est quoi la logique gouvernementale ? » 

Le directeur de l'AEMQ, Alain Poirier, le 18 février à Montréal.

©Photo Médialo — Davide Buscemi.

Alain Poirier, le 18 février à Montréal.

Le directeur de l’Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ), Alain Poirier, s’est longuement entretenu avec Le Citoyen le 18 février. M. Poirier s’est épanché sur la guerre tarifaire et a décoché ses meilleures flèches pour le microcosme politique.

La guerre des taxes USA/Canada va-t-elle impacter le monde minier en Abitibi ?
Les mesures tarifaires américaines auront peu d’impact sur l’exploration et l’exploitation aurifères, mais une riposte canadienne pourrait affecter l’approvisionnement des mines en production. Les minéraux exportés vers les États-Unis sont plus concernés.

Tu vends l'or au prix spot de la journée. Ça ne va pas nécessairement aux États-Unis ; cependant, ces mines-là, si elles ont besoin d'équipements Il est possible qu'il soit disponible aux États-Unis. Un pneu de machinerie peut valoir quand même assez cher, donc a fortiori avec une surtaxe parce que tu vas chercher ton équipement aux States ; il y a un impact. En plus, le dollar canadien est bas.

Le double impact, c'est que ça coûte de plus en plus cher aux entreprises qui vont aller chercher des produits aux États-Unis. Dans les autres substances, on pourrait dire le lithium, le graphite, évidemment l'aluminium. Le fer, ça, c'est vraiment un enjeu que les entreprises vont avoir, de quelle façon elles peuvent s'en sortir avec ces tarifs supplémentaires-là, mais toujours être en mesure de pouvoir alimenter leurs clients américains.

Pour l'or, on n'est en compétition avec personne, puisque tu vas vendre l'or à la Monnaie royale canadienne qui va l'expédier à Londres qui va le "trader" pour le reste du monde.

Le cas du lithium est intéressant  : tu développes une mine, tu as besoin de 3-4 acheteurs différents pour t'assurer de pouvoir vendre cette production-là à ces entreprises. Les problèmes sont différents. Je te dirai selon la substance que tu vois que tu vas extraire.

Un taux de taxation à 25  % entraverait-il l’avancée d’un projet  ?
À court terme, absolument pas ; mais à moyen/long terme, oui, parce qu’acheter des équipements aux États-Unis avec un dollar canadien bas va te coûter excessivement cher.

Habituellement, l'équipement vient du monde entier : États-Unis, Europe, Australie. La provenance de cet équipement variera. Si tu dois acheter de la machinerie pour 8 millions, tu vas effectuer des recherches pour savoir où est le meilleur deal. Puis, combien ça coûte pour ramener ce matériel-là sur le site.

Il y a également le sujet des véhicules, dont beaucoup sont des marques américaines. Il y aura un impact là du fait des taxes. On peut se demander de quelle façon ça va être transféré. On utilise des fournisseurs de service. Voudront-ils renouveler leur véhicule utilitaire (pickup) ou le conserver plus longtemps ? Ce sont des questions que chaque entreprise va se poser.

Il y a des variantes. À la première salve, l'aluminium et le fer étaient à 25 %, mais les minéraux critiques étaient à 10 %. Donc, qu'est-ce que ça va être, finalement ? Il va y avoir une période de flottement de négociation, ça peut changer. En 2018, il y a eu des négociations, pendant quelques mois. C’était parti de 25 ou 30 % pour finir plus bas.

Le marché des minerais n'est pas en panique, mais c'est un bon reality-check. Les firmes vont en profiter pour mieux se positionner. Cette question de taxes qui émergent, ça peut arriver ailleurs sur la planète. C'est une industrie d'imprévus.

Les entreprises ont des centres d'achats où elles ont leurs fournisseurs. Dès les premières menaces de Trump, les entreprises ont été capables d'établir quels étaient les fournisseurs problématiques. Le marché s'ajuste.

Que changerait l'arrivée du conservateur Pierre Poilièvre ?
Oh mon Dieu  ! Je ne veux pas répondre à ça. Monsieur Poilièvre ne s'est pas prononcé sur ce sujet des taxes. C'est difficile d'en parler. Mais on pourra faire une entrevue le jour de son élection, si ça arrive, et on verra de quelle façon il veut faire évoluer le secteur minier canadien.

Les entreprises minières pourraient-elles s'approvisionner à 100 % qu'avec du matériel non états-unien ? Oui, tout à fait, les foreuses sont construites au Canada. En exploration minière, on peut travailler sans équipement américain.

Que pensez-vous de la politique minière du gouvernement québécois ?
J'y vois de l'incohérence : d'un côté, ils disent qu'ils vont utiliser les minéraux critiques et stratégiques comme levier de négociation avec le gouvernement américain pour couper les tarifs. De l'autre côté, Québec ajoute des contraintes, enlève du territoire, ajoute de la réglementation ; ça fait en sorte que c'est de plus en plus difficile d'explorer. Tu ralentis le développement, la possibilité de trouver de nouvelles mines plus rapidement ; tu rallonges les délais. C'est quoi la logique gouvernementale ?

Depuis 2018, il me semble que c'est le gouvernement qui a mis le plus de bâtons dans les roues aux explorateurs. La question que j'aimerais poser à la ministre Blanchette Vézina est : que faites-vous pour améliorer le taux de découverte au Québec et pour qu'on mette plus rapidement des mines en production dans la stratégie de minéraux critiques ? 

L’exploration est-elle moins "accessible" de nos jours ?
Les découvertes les plus "faciles" ont déjà été faites au Québec et partout dans le monde. Là, faut creuser plus profond, ça prend plus d'argent pour réussir à monter un projet, pour construire des mines. 

En bas d'un milliard, tu ne t’en sors pas. Tu n'as rien produit, mais il faut un taux de rendement intéressant pour que les banquiers puissent te financer. C'est excessivement difficile. Les gisements plus profonds ou différents nécessitent plus d'argent, plus de temps avant de réussir à les mettre en place. La filière des minéraux critiques est naissante au Québec. Le lithium, il y a 10 ans, on n'en jasait pas.

La traçabilité des minerais est importante. Il faut aussi calculer le nombre de gaz à effet de serre pour chaque once d'or par rapport aux autres pays, même si, pour certains comme la Chine, c'est opaque.

La Chine contrôle environ 70 % de la production mondiale et 85 % du raffinage des terres rares, ainsi que plus de 60 % du lithium et la majorité des batteries.

Le Québec exporte peu de minéraux critiques. Seules deux mines de lithium sont actives au Canada : Sayona en Abitibi et une au Manitoba. Le Canada ne représente que 2 % de la production mondiale, dominée par l’Australie, le Chili et la Chine.

Le monde minier figure une jungle que l’on explore essentiellement et où l’on tente de survivre.
Au Québec, l'exploration est faite à 70/80 % par les sociétés exploratrices (dites junior). Les 20/30 % restants sont explorés par les exploitants (les majors). Souvent, ces derniers explorent près de leur(s) gisement(s). C'est normal : ils veulent maximiser leurs infrastructures. Ils peuvent aussi investir dans d'autres projets, acheter 10 % de l'actionnariat d'une compagnie.

Le prix de l'or flambe. Ça fait monter les actions des exploitants comme Agnico Eagle, mais pour les juniors, rien ne bouge. Leurs actions sont au plancher depuis 18 mois.

Les financements tardent à se concrétiser, mais si la tendance haussière se maintient, elle pourrait marquer le début d'un nouveau cycle propice à l'exploration.

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